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Afrique africaine

Les mots

Afrique africaine… Sous cet intitulé en référence à l’ouvrage mythique de Michel Huet (La guilde du livre, 1963), nous avons réuni un ensemble de photographies qui, chacune à sa manière, célèbrent la figure humaine du continent noir.
Souci ethnographique ou humanitaire, besoin d’accéder à ses racines, appel de l’errance et de la rencontre, attrait d’ordre purement formel et esthétique,… chaque photographe a ses raisons propres d’aller vers l’Afrique et ses habitants.
Pour l’Anglais George Rodger (1908-1995), co-fondateur de l’agence Magnum qui avait couvert l’essentiel de la seconde guerre mondiale, l’Afrique constitua un contre-point salutaire : « Pour chasser de mon esprit les souillures de la guerre, les cris des blessés, les râles d’agonie des mourants, j’ai cherché dans le monde un endroit vierge, pur, et c’est dans l’Afrique tribale que je l’ai trouvé. » Plus précisément, cet endroit fut un village reculé, presque inaccessible du Soudan où Rodger se rendit en 1948 et dont il ramena une série désormais historique, Le village des Noubas, publié par Robert Delpire en 1955.
Peut-être tous les photographes qui opérèrent en Afrique par la suite sont-ils redevables à cet essai fondateur ?
Qu’il s’agisse de Bernard Descamps au Mali ou chez les pygmées Aka de Centrafrique, de Bernard Plossu chez les Peuls du Niger, d’Hugues de Wurstemberger en Zambie, d’Elisabeth Sunday chez les Touaregs ou les Masaïs, ou encore d’Isabel Muñoz chez les Surmas d’Éthiopie, tous et toutes ont en tout cas abordé leurs modèles avec le même respect, la même empathie que Rodger face aux impressionnants lutteurs noubas couverts de cendre.
Cette exposition nous permettra également de faire (re)découvrir quelques-uns des Souvenirs de voyages de Marina Cox. Montrée pour la première fois à Bruxelles depuis plus de vingt ans, cette série réalisée de la fin des années 1980 à l’aube des années 1990 constitue un périple immobile – toutes les images furent réalisées en Belgique – et intemporel dans l’orientalisme et l’africanisme en vogue au 19e siècle en même temps qu’elle interrogeait avec ironie l’image ethnocentriste de « l’autre ». Le temps n’a rien ôté à la pertinence du propos, pas plus qu’il n’a affecté la beauté des images.
Un autre point d’orgue sera assurément la présentation d’un ensemble de somptueux tirages d’époque de Casimir Zagourski (1880-1944). Ce militaire polonais, fuyant le bolchévisme, se retrouva un peu par hasard à Léopoldville où, en 1924, il s’installa comme photographe. Dans les années 1930, il effectua deux expéditions dans toute l’Afrique centrale et en ramena plusieurs centaines d’images qu’il commercialisa ensuite sous forme de cartes postales et de tirages réunis en luxueux albums. Dénuée de tout le paternalisme associé à la vision coloniale, son œuvre constitue un corpus irremplaçable tant du point de vue documentaire que formel. Ses portraits figurent parmi les plus forts de toute l’histoire du médium.
De manière prémonitoire, Zagourski avait réuni toutes ses vues sous le titre générique de « L’Afrique qui disparaît ». Grâce à elles, comme à d’autres, il en reste une trace tangible.

Les photographes

Bernard Descamps
Bernard Plossu
Hugues de Wurstemberger
Marina Cox
Casimir Zagourski
Luigi Fiorillo, Samuel Fosso, Isabel Muñoz, George Rodger, Elisabeth Sunday

La presse