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Americana

Les mots

Americana, ce sont des routes qui semblent se dérouler à l’infini, menant de nulle part à un autre nulle part, ponctuées çà et là de stations-service et de motels désolés.
Americana, c’est un bluesman sans âge faisant gémir les cordes d’une guitare à six sous et chantant une mélopée surgie des temps les plus immémoriaux, à l’abri du soleil sur le porche d’une masure délabrée, un bocal de moonshine à portée de main.
Americana, c’est une jeunesse qui, au sortir de la seconde guerre mondiale, tourna le dos à l’establishment et à l’American Way of Life pour embrasser d’autres idéaux et prendre des chemins de traverse.
Americana, c’est une jeune femme perdue dans ses songes, apparemment indifférente au scintillement du décor, comme tout droit sortie d’une toile de Hopper ou d’un film de David Lynch.
Americana, ce sont des chevaux, à jamais indissociables des grandes pages de l’histoire et de la légende, de la conquête de l’Ouest aux guerres indiennes, des convois de bétail aux rodéos.
Americana, ce sont des paysages d’une beauté et d’une majesté époustouflantes; le Grand Canyon, Monument Valley, les parcs du Yosemite et du Yellowstone, glorifiés dès les origines de la photographie par Muybridge, Jackson ou Watkins, puis par Ansel Adams et Edward Weston.
Americana, c’est une vieille dame vivant à l’écart du monde, avec pour seuls compagnons quelques poules, une bible et les souvenirs d’une existence âpre.
Americana, ce sont les gratte-ciel de Manhattan, symboles ostentatoires de la toute-puissance et de la modernité d’une Amérique triomphante.
Americana, ce sont d’inextricables nœuds autoroutiers sur lesquels glissent en bon ordre des tonnes d’acier, paquebots sur roues aux teintes pastels agrémentés de chromes rutilants.
Americana, c’est l’omniprésence de la bannière étoilée et de la religion, éléments fondateurs d’une société où l’individualisme et le patriotisme exacerbés se conçoivent comme des vertus.
Americana, c’est un éclair déchirant un ciel d’orage, comme une menace éphémère d’apocalypse.
Americana, c’est une Amérique à la fois mythique et bien réelle, multiple dans ses paradoxes et ses contradictions.
Americana, c’est l’Amérique de Faulkner, de Steinbeck, de Kerouac, de Jim Harrison et de Cormac McCarthy, de Pete Dexter et de Toni Morrison; c’est l’Amérique de Dylan et de Coltrane, de Gershwin et de Skip James; c’est l’Amérique des frères Coen, de John Ford et de Woody Allen.
Americana , ce sont les racines de l’Amérique, le socle sur lequel s’est écrite une histoire dont nous serions finalement tous un peu les héritiers.