Les mots
Réalisées à la chambre 20×25 et servies par de somptueux tirages au platine, les images de l’Américaine Andrea Modica (née à Brooklyn en 1960) regorgent de faux-semblants, le réel et la fiction s’y confondant pour nous entraîner dans un monde de mystère, de sensualité et d’onirisme.
Adolescente, elle se destinait à la peinture mais la découverte des caméras de grand format d’abord, des épreuves au platine ensuite lui ont fait prendre une autre route et, depuis l’obtention de son Master of Fine Arts de la prestigieuse université de Yale, elle s’est tout entière consacrée à la photographie (et à son enseignement).
Le modus operandi imposé par la lourdeur du matériel convient parfaitement à la manière dont Andrea Modica choisit de s’exprimer, composant ses images avec une extrême rigueur, travaillant en totale complicité avec ses modèles, prenant le temps nécessaire avant de déclencher. Rien – ou presque rien – n’est laissé au hasard.
Et pourtant, paradoxalement, certaines scènes paraissent avoir été saisies sur le vif, comme à l’insu du ou des protagoniste(s).
L’ambiguïté est encore renforcée par le quasi-hyperréalisme et la profusion de détails propres à l’usage de négatifs «géants» et par la richesse de tonalités des tirages.
Nous sommes bien face à des photographies, mais cette absence de grain, l’étendue de cette infinie gamme de gris nous emmènent vers des territoires inhabituels.
Il est communément admis que, sortie de tout contexte, une photographie ne «dit» rien, qu’elle se contente (?) de «montrer» le moment qu’elle a extrait du réel.
Tout le pouvoir serait-il dès lors laissé à l’imagination de celui qui regarde? Par essence, l’image et l’imagination vont naturellement de pair…
Confrontés à certaines photographies, nous ne pouvons nous empêcher d’y voir le début (ou la fin?) d’une histoire, plus ou moins réaliste selon les cas.
Associons cette photographie à une autre, à quelques autres, l’histoire prendra un tour différent. Alignons sur le mur une série d’images pourtant indépendantes les unes des autres et voilà une tout autre histoire, sans que pourtant rien ne soit clairement raconté.
Les photographies d’Andrea Modica n’imposent rien, posent plus de questions qu’elles ne livrent de réponses, restent ouvertes à toutes les interprétations.
C’est ce qui fait leur magie, une magie qui s’insinue discrètement mais durablement en quiconque prend la peine de s’y attarder.