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Ode à la peau

Carla van de Puttelaar

Les mots

Pour sa troisième exposition personnelle à la galerie, Carla van de Puttelaar nous propose des images totalement inédites, extraites de ses deux séries les plus récentes, Theatrum Anatomicum et Hortus Nocturnum.
On connaît la prédilection de la photographe hollandaise pour des modèles à la peau claire, à la limite du diaphane. Elle aime cette impression de transparence qui laisse entrevoir la vie sous une enveloppe infiniment mince.
D’une certaine manière, la blancheur des corps photographiés par Carla suggère qu’ils figurent leur propre linceul. Rien de morbide, pourtant: un fascinant réseau de veines et de vaisseaux bleuâtres attestent de la vie, d’un cœur qui palpite… Quant à elles, les imperfections que d’aucuns jugeraient disgracieuses – une petite cicatrice, la marque d’un slip, l’un ou l’autre nævus – rendent à ces corps toute leur fragile humanité.
Theatrum Anatomicum met l’accent sur les bras et – surtout – les mains des modèles; isolés du corps, seuls ou à plusieurs, encadrant parfois un abdomen et des cuisses, ils figurent à la fois un état d’apaisement, de relâchement confiant et un sentiment de tendre complicité. Aucune tension ne vient troubler cette silencieuse volupté…
Tout comme pour ses images plus anciennes, la photographe puise une fois encore une partie de son inspiration dans la peinture ancienne, en particulier celle de la Renaissance italienne; ces bras, ces mains apparaissent comme autant de détails des œuvres éternelles qui ravissent les visiteurs attentifs des plus grands musées.
Si Theatrum Anatomicum s’inscrit dans la continuité logique des travaux précédents, l’autre série présentée ici, Hortus Nocturnum, apparaît de prime abord comme un changement de direction radical. Mais à bien y regarder, cet ensemble trouve tout autant sa place dans l’œuvre de la photographe.
Les fleurs ont pris la place des jeunes femmes devant l’objectif mais, à bien des égards, les préoccupations et le discours restent les mêmes.
En janvier de cette année, des amis ont offert à Carla un somptueux bouquet de roses blanches à peine accentuées de tendres couleurs. Après quelques jours, alors que les fleurs perdaient de leur éclat et de leur magnificence, l’artiste a été frappée par de nombreuses similitudes entre les pétales à l’orée de l’inexorable flétrissure et cette translucidité qu’elle apprécie tant dans la peau de ses modèles habituels.
À partir de cette constatation – de cette révélation, même – elle a entrepris d’en photographier un grand nombre, attendant patiemment le moment adéquat.
Les meilleures idées surgissent souvent de là où on les attend le moins…
Placées seules devant un fond uniformément noir, les roses et les tulipes se muent en individus tour à tour étranges et familiers, touchants de délicatesse, leur vulnérabilité renvoyant sans détour à celle des êtres de chair et de sang qui constituaient jusqu’ici le sujet dominant dans cette œuvre.
On remarquera aussi que si les nus de Carla van de Puttelaar sont dénués de tout érotisme, il n’en va pas de même de ses «portraits» de fleurs dont la sensualité s’affiche avec force.
Enfin, choisissant délibérément de porter cette fois son attention sur des modèles proches sdu trépas tout en exaltant leur beauté, l’artiste nous rappelle que celle-ci n’est en rien l’apanage exclusif de la jeunesse.

La presse