Les mots
Pour sa quatrième exposition à la galerie, qui correspond à la publication de sa nouvelle monographie – la plus conséquente à ce jour –, Carla van de Puttelaar reste fidèle à elle-même et à cet univers particulier sur lequel elle a bâti son œuvre depuis bientôt deux décennies.
Toujours inspirée par la peinture ancienne, elle a récemment enrichi sa palette en rendant cette fois hommage à Rembrandt, à l’invitation du musée de la Rembrandthuis à Amsterdam.
Une fois encore, tout comme c’était auparavant le cas pour Vermeer, Cranach ou quelques autres, la photographe évite le piège de l’hommage direct, de la réinterprétation stérile, et propose plutôt des “à la manière de” qui ne reprennent que l’essence même des toiles de ceux auxquels elle se réfère. Nourrie des chefs-d’œuvre de ces illustres maîtres du passé et en particulier de leur usage de la lumière, elle se les approprie pour les intégrer à son propre corpus et y intégrer ses préoccupations de femme et d’artiste contemporaine.
On connaît la prédilection presque exclusive (hormis quelques exceptions notables) de la photographe hollandaise pour des modèles à la peau claire, à la limite du diaphane. Elle aime cette impression de transparence qui laisse entrevoir la vie sous une enveloppe infiniment mince.
D’une certaine manière, la blancheur des corps photographiés par Carla van de Puttelaar suggère qu’ils figurent leur propre linceul. Rien de morbide, pourtant: un fascinant réseau de veines et de vaisseaux bleuâtres attestent de la vie, d’un cœur qui palpite… Quant à elles, les imperfections que d’aucuns jugeraient disgracieuses – une petite cicatrice, un genou écorché, la marque laissée par un sous-vêtement, l’un ou l’autre nævus, de la chair de poule – rendent à ces corps toute leur humanité. Et nous rappellent au besoin que, malgré les qualités et les références picturales de ces images, nous sommes bien face à des photographies, et que l’émotion surgit de ce rapport constant au réel.
Comme elle aime à le faire depuis un certain temps déjà, Carla associe ses nus et ses portraits de jeunes femmes à d’autres portraits, de fleurs ou de mains cette fois. Mais, à bien des égards, les préoccupations et le discours restent les mêmes.
Les roses et les tulipes se muent en individus tour à tour étranges et familiers, touchants de délicatesse, leur vulnérabilité renvoyant sans détour à celle des êtres de chair et de sang qui se montrent à leur côté.
Se découpant invariablement sur un fond uniformément noir, ses modèles se résument à eux-mêmes, à la fois magnifiques et fragiles, et l’on ne sait trop en fin de compte s’ils appartiennent au monde du jour ou à celui de la nuit.