Les mots
L’élégance. Voilà à n’en pas douter le maître-mot, le fil rouge reliant tous les points qui constituent jusqu’ici l’œuvre de Franck Christen.
Sensible aux possibilités de l’art depuis son plus jeune âge, ne ratant rien de ce que l’Alsace, sa région d’origine pouvait lui offrir – les musées et institutions culturelles de premier plan n’y sont pas rares et, mieux encore peut-être, Mulhouse n’est qu’à un jet de pierre de la Suisse et en particulier de Bâle, la ville qui accueille chaque année la plus importante foire d’art contemporain.
C’est peut-être là, dans les travées de la Kunsthalle, que l’adolescent a décidé de son avenir.
Arrivé à Bruxelles, il passe quelque temps sur les bancs de l’université à se frotter aux cours d’histoire de l’art, avant de s’inscrire dans l’atelier de photographie de la Cambre.
Personne ne le sait encore, mais il a trouvé sa voie, le mode d’expression qui lui convient.
D’entrée, ses images surprennent par leur classicisme, leur quasi intemporalité. Les références sont multiples, le jeune homme assimile avec aisance ce qu’il aime et qui le passionne. Il fait sien ce qu’il découvre chez les photographes – ou plus généralement les artistes – qu’il admire et en peu de temps impose sa propre signature visuelle.
Les premières années seront marquées par le noir et blanc : épure, cadrages rigoureux, assise du format carré.
Les séries se succèdent (Les Alsaciens, Les collectionneurs, Les Parisiens,…), faisant la part belle au portrait. Régulièrement, aux visages viennent répondre des détails d’architecture, des arbres, du mobilier, des objets aussi… Ces natures mortes, ces paysages ne sont en fait rien d’autre que des variations subtiles sur la thématique du portrait. Il en ira de même lorsqu’il s’agira des commandes passées par des stylistes. Les robes, les chaussures, les accessoires deviennent autant de portraits, d’impressions, d’études.
Le passage du noir et blanc à la couleur se fait naturellement, tout comme celui qui mène de l’argentique au numérique. Aucun médium ne supplante d’ailleurs définitivement un autre, les allers et retours s’opèrent au gré des circonstances plutôt que par décision formelle. De la même manière, Franck Christen choisit le format qui lui semble le plus adéquat en fonction du sujet, refusant de se laisser enfermer dans telle ou telle obligation du marché (ou du moment, ou des deux).
Les couleurs privilégiées par le photographe tendent vers la demi-teinte, vers la monochromie. Rien qui ne heurte le regard, rien qui ne fasse crisser les dents.
Il s’agit encore et toujours d’architecture, de nature morte, de paysage, de portrait. Même si les animaux prennent désormais volontiers la place des humains.
L’animal et plus encore le végétal, de plus en plus prépondérant ces dernières années, qu’il s’agisse de pins rencontrés à Rome ou à Beyrouth, d’un « recensement » de la faune libanaise ou de compositions florales en hommage à Adolphe Braun (qui, au 19e siècle, photographiait des bouquets pour les besoins de l’industrie textile alsacienne).
Ces séries qui se succèdent ne sont en fin de compte que des prétextes.
Là ne se situe pas l’essentiel. Ce qui compte pour Franck Christen, c’est de produire des images qui lui correspondent à un moment précis de son parcours. Des images qui lui ressemblent, qui répondent à son attirance pour la beauté, pour l’harmonie, pour l’élégance. Encore et toujours elle !