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In Africa, 1948-1953

Hector Acebes

Les mots

Si la carrière photographique d’Hector Acebes (1921-2017) fut relativement courte – à peine 5 ans – elle fait montre à la fois d’un indéniable talent et d’une grande maîtrise technique.
Rien ne prédisposait ce jeune homme de bonne famille au destin qui fut le sien : d’origine espagnole et colombienne, né de parents industriels et commerçants, il étudia dans les meilleures écoles, avec pour point d’orgue un diplôme d’ingénieur obtenu au prestigieux Massachussetts Institute of Technology de Boston. La photographie n’était alors pour lui qu’un hobby, même s’il la pratiquait avec sérieux et assiduité.
Son avenir professionnel était en théorie tout tracé: ses études le conduisaient «naturellement» à intégrer l’entreprise paternelle, plus tard à la diriger. Mais la logique n’est pas toujours respectée… Depuis l’adolescence, Hector avait une âme d’aventurier, assoiffé qu’il était d’inconnu et de vie au grand air. Pas question dès lors de se retrouver entre les quatre murs d’un bureau, entre confort et routine.
Fin 1947, Acebes se rendit en Espagne, où il retrouva un producteur avec lequel il devait travailler sur un film de fiction. Le projet tomba finalement à l’eau et, plutôt que de retourner immédiatement en Amérique, il décida de partir à la découverte de l’Afrique du Nord. Ce fut une révélation: le virus de l’Afrique s’était insinué en lui! Les couleurs, les odeurs, l’architecture, le mélange des cultures, les paysages et – surtout – les habitants, tout le fascina.
Ce premier voyage au Maroc donna déjà naissance à certaines de ses photographies les plus fortes.
Il passa à nouveau quelques mois en Afrique en 1949, cette fois principalement au Mali, rejoignant Tombouctou à dos de dromadaire. Cette fois, l’immersion était totale, le jeune aventurier se retrouvant plus que jamais en terra incognita, filmant et photographiant avec un enthousiasme jamais démenti.
Mais l’essentiel de l’œuvre photographique d’Hector Acebes date de 1953, lorsqu’il traversa le continent par son milieu, partant de Dakar à l’extrême ouest pour aboutir un an plus tard à Nairobi et, ensuite, Zanzibar.
Cette fois, afin de garantir son autonomie, il effectua son périple au volant d’un véhicule tout-terrain dans lequel il dormait également à l’occasion. Sans but ni calendrier précis, il pouvait se permettre haltes et détours au gré de ses envies et de ses rencontres, s’arrêtant parfois plusieurs semaines dans un même endroit et partageant le quotidien des populations locales.
Les images ramenées de cette ultime expédition africaine – et qui marquent par ailleurs la fin de sa pratique sérieuse du médium – sont les plus abouties.
Même si l’on y retrouve quelques vues de paysages et d’architecture (en particulier des mosquées de terre en pays dogon), l’humain y est au centre de toutes choses. Acebes se révèle un portraitiste exceptionnel, traitant et montrant ses modèles comme ses pairs, constituant un corpus aux antipodes de la photographie «coloniale», voire même ethno ou anthropologique. À l’évidence, ce ne sont pas les différences mais les similitudes qui suscitent l’intérêt du photographe. L’autre est véritablement un alter ego. Rien d’exotique ni de folklorique dans ces scènes sans emphase. De la beauté, des regards complices, des attitudes familières. De l’humanité.

La presse