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Les beaux jours

Isa Marcelli

Les mots

Sous nos latitudes, traditionnellement, l’éclosion des perce-neige annonce la fin de l’hiver et, pour peu que la chance soit au rendez-vous, leur éphémère délicatesse marque le retour des beaux jours.
Ce n’est donc pas un hasard si cette exposition s’ouvre avec une image toute simple, réunissant trois de ces modestes fleurs blanches, comme si elle figurait un proscenium annonçant ce qui attend le visiteur.

Les beaux jours dont il sera ici question se présentent comme une promesse, comme des scènes tantôt oniriques, tantôt familières, comme de petites madeleines qui nous renvoient à autant de souvenirs heureux.
Les beaux jours, ce sont les robes fleuries qui ressortent enfin des placards, une danse quasi immobile, l’art de virevolter avec lenteur, se montrer mais pas trop…
Les beaux jours, c’est la caresse d’un rayon de soleil sur la peau, des fruits à peine cueillis, avec lesquels on invente un jeu avant d’y planter les dents…
Les beaux jours, c’est une invitation à se rouler dans l’herbe, les yeux clos, c’est se parer de dentelle, marcher pieds nus dans un champ…
Les beaux jours, c’est croiser les bras avec nonchalance, poser une main sur l’autre, simplement…
Les beaux jours, c’est une brise légère qui fait trembler les feuilles d’un érable, c’est déambuler dans un jardin planté d’essences rares…
Les beaux jours, c’est profiter de la beauté des choses tout en restant alerte, savoir que tout cela ne peut être qu’éphémère, que quelque chose de plus sombre est sans doute là, tapi dans l’ombre…

Arrivée tardivement à la photographie, après une carrière à succès comme créatrice de mobilier, Isa Marcelli se consacre désormais corps et âme à sa passion. Avec la liberté de qui n’a rien à prouver, elle n’est guidée que par le plaisir. Celui de produire des images qui la font rêver, celui aussi de tout mettre en œuvre pour partager ses petits éblouissements.
Aucun besoin d’exotisme, son monde demeure à portée d’œil et de main.
Pour modèles et complices, la photographe se tourne vers ses deux filles et quelques amies.
Le jardin qui entoure la maison tient lieu de décor et de personnage annexe.
Il y a aussi quelques fleurs dans des vases délicats, l’un ou l’autre fruit dans une coupe.

Explorant les procédés «alternatifs» — collodion humide, cyanotypes virés, tirages sur papiers périmés —, Isa Marcelli nous entraîne à sa suite dans son univers paradoxalement étrange et familier, impossible à situer dans le temps.

Mais son recours aux techniques anciennes, voire primitives, ne constitue jamais une fin en soi. Si elle opte pour un rendu singulier, aux charmes évidents, c’est d’abord et avant tout pour enrichir son propos.

La magie est tout entière contenue dans les images.

Alain D’Hooghe

 

La presse