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New York, New York

Les mots

New York. Personne ne pourra lui contester le titre de Ville La Plus Photogénique Du Monde. Les statistiques confirment par ailleurs qu’elle figure en tête des villes les plus photographiées du monde (devant Rome, Barcelone et Paris qui, de manière un peu surprenante, n’arrive que quatrième à ce classement).
Exubérante, irréelle, excessive, trépidante, parfois impitoyable, New York semble néanmoins familière même à ceux qui n’ont jamais foulé son bitume. Ce paradoxe est le fait du cinéma, de la littérature, de la musique populaire. Et de la photographie. Quelles que soient nos origines, notre âge, nos goûts, notre parcours, nous «connaissons» New York.
Événement réellement exceptionnel, l’exposition propose entre autres un ensemble de photogravures extraites de la revue Camera Work, publiée par Alfred Stieglitz (1864-1946) à l’aube du 20e siècle. Outre le célébrissime Flatiron Building at Night immortalisé par Edward Steichen (1879-1973) en 1904, ce sont cinq vues de New York par Stieglitz lui-même qui se retrouvent aux cimaises de la galerie, dont The Steerage (L’entrepont), icône universellement reconnue comme l’une des images essentielles de l’histoire de la photographie, charnière entre le pictorialisme et le modernisme et qui n’est pas sans évoquer le cubisme.
Marilyn Bridges (°1948) a bâti toute sa carrière sur la photographie aérienne, réalisant ses prises de vue depuis des petits avions monomoteurs ou, plus rarement, depuis des hélicoptères. Depuis les années 1970, elle survole principalement les sites préhistoriques ou archéologiques, photographiant de préférence aux heures où le soleil est bas et que les ombres s’allongent, sculptant le paysage de manière dramatique.
Opérant au-dessus de New York, elle nous propose un point de vue inhabituel et vertigineux sur les gratte-ciel les plus emblématiques de Manhattan: l’Empire State (le plus célèbre, 1931), le Chrysler (le plus beau, 1930) et le Flatiron (le plus étonnant, 1902).
New York fait assurément partie de ces lieux vers lesquels Michael Kenna (°1953) revient sans relâche, comme Venise, Paris ou Hokkaido. Chaque promenade, de jour comme de nuit, donne lieu à des découvertes, à des points de vue inédits ou encore à de nouvelles études de ses immeubles favoris. Le paysagiste anglais n’a décidément pas son pareil pour s’approprier tout ce qu’il fait entrer dans son œuvre.
Pendant quelque trois ans, de 1974 à 1976, Langdon Clay (°1949) a déambulé de nuit dans la ville, à la rencontre de voitures garées le long de trottoirs déserts, comme mises en scène par l’éclairage public aux vapeurs de sodium. Indissociable du mode de vie américain pendant l’essentiel du 20e siècle, la voiture est alors bien plus qu’un objet utilitaire. Paquebots sur roues plus qu’énergivores, d’un modèle l’autre, les «belles américaines» paraissent n’avoir que la démesure comme point commun. Le chrome et l’acier sont encore rois, la puissance des moteurs rassure les conducteurs. Et, le cas échéant, les coffres sont assez vastes pour accueillir (provisoirement) le corps d’un rival ou d’un mauvais payeur…
La série évoque tout autant le Paris de nuit de Brassaï que la peinture hyperréaliste, en particulier celle de John Baeder.
Ces images désormais empreintes de nostalgie ont sommeillé pendant plusieurs décennies, jusqu’à être réunies dans un livre magnifique publié en 2016 par Gerhardt Steidl et d’être présentées l’an dernier à la Fondation Cartier dans le cadre de l’exposition Autophoto.
New York est une scène, mais le décor n’est rien sans les protagonistes qui vont y évoluer…
Même s’il vit depuis longtemps dans une ferme de Pennsylvanie, Larry Fink (°1941) restera à jamais un New-Yorkais pur jus.
Attaché au langage corporel et fasciné par les codes sociaux, il nous fait revenir à la fin des années 1970, dans l’effervescence du Studio 54.
Natif de Coney Island (Brooklyn), c’est là que Seymour Jacobs (1931-1999) a principalement photographié, plus précisément encore sur la plage de Brighton, l’une des plus populaires de New York. Ce travail, qui renvoyait à celui de Diane Arbus ou à celui de Lisette Model, fut remarqué dans les années 1980, surtout en France et en Belgique (une exposition lui fut consacrée au musée de la photographie de Charleroi). S’il n’a pas obtenu le succès qu’il méritait, sans doute est-ce dû au fait qu’il n’avait pas son pareil pour se fâcher avec ceux qui pourtant croyaient en son talent…
La série exposée ici est tout à fait inédite; réalisée dans un dancing de Coney Island, elle met en scène des personnage hauts en couleurs, que l’on croirait tout droit sortis d’un film de Scorsese ou de Cassavetes. Ces hommes et ces femmes sont habités par le narcissisme, la vanité, le désir, la peur de vieillir, le donjuanisme. Mais aussi par une envie de vivre qui leur donne la force d’affronter ces faiblesses. Jacobs les observe avec une empathie et un sens du tragique qui constitue le fil rouge de toute son œuvre.
«Last but not least», quelques images de Michel Vanden Eeckhoudt (1947-2015) qui, s’il n’effectua qu’un unique séjour dans la Grosse Pomme, en 1982, en ramena une poignée de photographies qui transcendent le quotidien, y débusquant comme à son habitude humour et poésie.

Les photographes

Larry Fink
Marilyn Bridges
Michael Kenna
Michel Vanden Eeckhoudt
Langdon Clay, Seymour Jacobs, Edward Steichen, Alfred Stieglitz

La presse