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Photographies circa 1929-1930

Paul Nougé

Les mots

«Rien mieux que la photographie ne prouve la vérité du surréalisme.»
Salvador Dalí

Poète, membre fondateur et chef de file du groupe surréaliste bruxellois, ami et mentor de René Magritte dont il intitula la plupart des toiles maîtresses, Paul Nougé (1895-1967) ne pratiqua la photographie que très occasionnellement.
À vrai dire, outre quelques clichés épars et quelques instantanés comme on en trouve dans tous les albums de famille, il ne nous a laissé qu’une série cohérente et construite, réalisée vers 1929-1930.
S’il constitue une parenthèse dans son œuvre, cet ensemble de dix-neuf images – publiées de manière posthume par Marcel Mariën sous le titre de Subversion des images (Les lèvres nues, 1968) – n’en demeure pas moins un épisode essentiel du surréalisme belge.
Subversion des images, dans sa concision, équivaut à une fulgurante mise en images de la théorie que Nougé élabore autour de l’objet bouleversant, en opposition à celle de l’objet trouvé chère aux surréalistes réunis à Paris autour d’André Breton.
Sur ces photographies figurent certains des proches de Nougé: sa compagne et égérie Marthe Beauvoisin, Marcel Lecomte, Georgette et René Magritte ou encore Marc Eemans chez les parents de qui sont réalisés la plupart des clichés.
Soigneusement dirigés, ces acteurs improvisés jouent le rôle que leur alloue leur metteur en scène, prenant la pose pour des situations faussement banales, en vérité incongrues. Une femme alanguie sur un dessus de cheminée ou effrayée par une pelote de ficelle, une autre suspendant son manteau dans le vide ou se coupant les cils, un homme écrivant la main ne se refermant sur rien,…
Tout réside bien dans le glissement subtil du réel vers le surréel, du quotidien vers le magique.
Plus encore que les personnages, ce sont bien sûr les objets (bouleversants!) qui attirent et retiennent immanquablement l’attention, par le paradoxe de leur absence ou par le détournement de leur fonction initiale.
Et, comme le remarque Christine De Naeyer dans l’étude qu’elle consacra aux photographies de Nougé «par ce rapport nouveau à l’objet, l’homme reprend possession du monde et le gouverne.»
Trois quarts de siècle après leur création, ces quelques photographies désormais entrées dans l’histoire n’ont rien perdu de leur force révolutionnaire. Elles demeurent aussi mystérieuses, a priori insondables en dépit de leur apparente simplicité. Bouleversantes.

La presse