Les mots
Comment narrer l’inénarrable? Comment substituer des images extraites du quotidien à ces images mentales qui peuplent les rêves ?
Il n’existe ni formule ni recette pour cette improbable transcription de ce qui n’existe que dans une autre conscience. Pour dire l’indicible, Pía Elizondo n’a dès lors d’autre choix que celui de se fier à son œil intérieur, cet instinct qui lui dictera où, quand et vers quoi déclencher. Et de troquer les appareils conventionnels pour le smartphone.
La photographie comme un état second, comme une fugitive hallucination, mais nourrie d’une culture qui trouve l’essentiel de ses sources dans le réalisme magique, cette version latino-américaine – si ce n’est essentiellement mexicaine – du surréalisme. Rien d’étonnant à ces références, Pía étant la fille de l’écrivain Salvador Elizondo, et à ce titre très tôt confrontée aux avant-gardes artistiques et littéraires. Jeune fille, dans la maison familiale, elle croise Juan Rulfo, Octavio Paz, Carlos Fuentes,… Des fréquentations qui ne peuvent que marquer un destin.
Que ce soit dans Songe d’oubli ou dans Los pasos de la memoria, les deux séries présentées ici, l’étrange surgit donc du quotidien, tantôt inquiétant, tantôt paisible. Les ombres figurent des créatures mythiques, la nuit est hantée, les corps s’oublient, les lits défaits gardent des souvenirs secrets, un papillon surgit d’on ne sait où, un sein se mue en fleur (ou inversement).
El ojo interior invite à une déambulation sans début ni fin, au gré de l’imagination, constellation d’images qui s’interpellent, se répondent, racontent autant d’histoires – de rêves – que celles que les lecteurs voudront bien inventer. Sans queue ni tête. En apparence…