Les mots
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Some days I feel invisible,
I feel like I’m going to dissolve
into fear, sadness and anxiety.
On those days I make pictures,
no more doubt, no more questions,
just the moment, peace and tranquility.
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Sven Laurent
Quelle que soit leur discipline, pour certains artistes – et non des moindres – il ne paraît nullement nécessaire de courir aux antipodes pour trouver l’inspiration, construire une série, voire bâtir une œuvre.
Sven Laurent est assurément de ceux-là. L’essentiel de sa quête, il peut l’accomplir sur un territoire restreint, au sein d’un périmètre limité à quelques hectomètres carrés, à quelques pâtés de maisons autour de chez lui, en plein cœur de Bruxelles.
Arpenter ces quelques rues à proximité immédiate de son lieu de vie est devenu un besoin impérieux, tant physique que mental.
Il considère la photographie comme étroitement liée aux notions de réconfort et de contemplation. Pour lui, chercher – et trouver – beauté et poésie dans son environnement proche est devenu un acte nécessaire afin de répondre à l’agitation politique et sociale du monde.
Au fil de ces déambulations quotidiennes, l’anodin se verra magnifié, le banal transcendé.
Un tube néon abandonné sur un lit de sable ? Une œuvre d’art minimal. Une palette déposée sur quelques carreaux de céramique ? Une pièce abstraite finalement plus à sa place dans un musée que sur ce trottoir sans intérêt. Une antique colonne de plâtre émergeant d’une valise à roulettes ? Une installation contemporaine radicale. Une bâche de plastique recouvrant un conteneur de chantier ? Une déclinaison de vagues et de vaguelettes, la mer. Sculptures involontaires, associations incongrues qui n’auraient pas déplu au comte de Lautréamont…
Cela était là lorsque le photographe est passé. Il a vu, s’est ému, a cadré, déclenché. Il n’en fallait pas plus. Comme le veut l’expression, « l’aventure commence (parfois) au coin de la rue. » Pour peu évidemment que l’imagination consente à faire le reste.
Si la poésie consiste en partie à transcender le quotidien, Sven Laurent est à n’en pas douter poète. Il n’invente rien, se contentant (!) d’ouvrir l’œil pour, plus tard, ouvrir les nôtres. En photographe de talent, il voit ce qui nous échappe et nous le montre sans fard, prompt à partager ses émerveillements tranquilles et discrets.
Alain D’Hooghe