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Photographies

Toni Catany

Les mots

« Les portraits de Catany sont des figurations de ses goûts et de ses affinités. S’ils le définissent, sans être indiscrets, c’est par la qualité de la poésie qui réside en lui et qu’il transmet à ses photographies. C’est parce qu’ils ne se contentent pas de proposer une description (un fac-similé) morphologique ou une fantaisie plastique. C’est parce qu’ils sont dépourvus d’intellectualité et que l’affectivité y affleure à peine. C’est parce
que la forme y est traitée à la fois sans mépris et sans effet ostentatoire. »

« Ses portraits font oeuvre avec ses nus, ses natures mortes, ses paysages, et ils dialoguent avec ceux des icônes byzantines, des maîtres flamands, d’Antonello da Messina, de Giovanni Bellini, et avec ceux plus récents de Paul Strand. Cependant, l’admiration que le photographe porte à des artistes, quels qu’ils aient été, ne l’incite pas à répéter leurs créations, pas même à commémorer celles-ci avec nostalgie, aussi vénérables qu’elles soient. Le caractère obsolète du passé pourrait le faire adhérer pleinement au présent mais, réfractaire à la conformiste discipline que suscite l’air du temps chez ceux qui ne s’en protègent pas, il ne cherche pas à coller à son époque. C’est de sa propre vie que doit vivre la photographie nourrie d’éthique et d’esthétique.
Aussi ces portraits des habitants choisis de l’univers photographique de Catany culminent-ils, non dans le présent, mais dans le temps suspendu. Ils constituent une apologie de l’humain qu’il faut encore et toujours aider à s’affirmer dans l’ordre de l’idéal. »

« Bien sûr, tous les peintres de toutes les écoles et de toutes les époques n’ont pas séduit ou inspiré Toni Catany, plus sensible au dépouillement qu’à l’exubérance. Une de ses toiles favorites reste la célèbre Corbeille de fruits (1596) de Caravage, chef d’œuvre d’équilibre, simplissime dans son point de vue strictement frontal, ses contrastes entre ombre et lumière. Aux « tables servies » des maîtres hollandais, aux étalages de victuailles en tous genres, aux opulents bouquets de Bosschaert l’Aîné ou de Breughel de Velours, il préfère la sobriété de bodegonistes comme Zurbarán, Blas de Ledesma ou Juan Sánchez Cotán. Quelques citrons, un panier d’oranges, un melon, une rose posée sur le rebord d’une soucoupe trouvent grâce à ses yeux bien plus que
des échafaudages de fleurs rares ou des montagnes de mets précieux. Sa vie et son œuvre en témoignent : Toni Catany est plus gourmet que gourmand. Cet épicurien ne sacrifie jamais la qualité à la quantité.
D’un passé plus récent, il retient les bouquets oniriques d’Odilon Redon, le bonheur de vivre exprimé par Matisse, les audaces de Braque. »

« En choisissant la nature morte comme véhicule à l’expression de sentiments, de sensations ou d’états d’âme, Toni Catany participe à la même logique tout en usant le plus souvent de symboles qui lui sont propres. C’est véritablement à un nouvel alphabet qu’il nous invite avec ses arrangements de fleurs ou de fruits, un alphabet que lui seul serait à même de déchiffrer avec exactitude mais qu’il laisse suffisamment ouvert à l’interprétation pour que chacun puisse y projeter un peu de lui-même. »

Extraits de textes publiés dans l’ouvrage rétrospectif L’artista en el seu paradis

La presse