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Des vagues et des étoiles

Les mots

Si les marines constituent assurément un thème récurrent dans l’histoire de la peinture, c’est tout aussi vrai en ce qui concerne la photographie.
Aux origines, photographier une vague revenait à relever un véritable défi, une victoire sur le temps. Capter ce moment éphémère pour le fixer à jamais sur la surface sensible équivalait alors à démontrer les avancées techniques du médium. La maîtrise de l’outil alliée à une réelle sensibilité artistique a produit des chefs-d’oeuvre tels que les différentes vagues photographiées dans les années 1850 par Gustave Le Gray, en Normandie et sur les bords de la Méditerranée.
Ensuite, plus encore que pour la prouesse, c’est pour ce qu’elles représentaient que les photographes se sont tournés vers les vagues. Songeons par exemple à toutes celles «arrêtées » par Lartigue dans le sud de la France ou à cette autre dessinant une gerbe somptueuse devant l’objectif de Mapplethorpe.
Pour cette exposition, nous avons réuni des images d’artistes et de photographes qui perpétuent à leur manière cette fascination pour « l’éternel recommencement ».
Depuis toujours attentif au paysage, Michael Kenna a saisi en 1981 une gigantesque vague venant frapper la côte anglaise, cette image devenant presque
immédiatement une véritable icône. D’autres vagues ont suivi, en Californie et plus récemment au Japon, territoire privilégié de Kenna depuis plusieurs années.
Venu de la peinture, l’Américain Clifford Ross se poste sur les plages de Coney Island à l’annonce d’ouragans et n’hésite pas à s’avancer dans l’Atlantique déchaîné pour se tenir au plus près des déferlantes dont il capture toute la force et toute la majestueuse beauté.
Contrairement à celles de Ross, qui viennent s’échouer sur la grève, les vagues de Kevin Griffin sont des vagues de pleine mer. Au plus fort de l’hiver, lorsque la mer d’Irlande est la plus démontée, le photographe s’immerge pour littéralement faire corps avec elle. Les images qu’il ramène à terre témoignent d’une violence et d’une énergie rares et tendent souvent vers un mystérieux expressionnisme. Face à ses photographies, le spectateur est placé au coeur des choses, il devient lui-même acteur.
Quant à 240 Biarritz, le monumental « tableau » d’Elger Esser, même si nous voyons immédiatement qu’il s’agit d’une gigantesque vague s’écrasant sur le rivage, c’est peut-être la plus abstraite de toutes les images de la série de vieilles cartes postales coloriées rephotographiées et agrandies par l’artiste allemand.
Levons les yeux. À l’immensité des océans répond celle, plus étourdissante encore, du ciel et d’une parcelle d’univers. Thomas Ruff nous invite lui aussi à plonger, cette fois dans la voûte céleste.
Des vagues et des étoiles… Comme un rappel de notre indispensable humilité.

Les photographes


Elger Esser, Kevin Griffin, Axel Hütte, Michael Kenna, Clifford Ross, Thomas Ruff

La presse