Les mots
Le plus souvent, lorsqu’elle photographie, Marina Cox ne cherche pas à saisir un moment fugitif, à peine entr’aperçu qu’il s’est déjà évanoui. Ce qui attire et retient son regard, ce sont plutôt des situations où le temps semble déjà s’être arrêté, comme en attente d’être photographié, pérennisé, immortalisé. Marina Cox n’est pas une photographe de l’urgence.
Elle ne court pas plus l’événementiel et se consacre plus volontiers à l’anodin ou en tout cas à ce qui apparaît comme dénué d’évidence. Si les circonstances l’amènent là « où il se passe quelque chose », elle porte son attention aux marges, aux à-côtés, avec ce qu’il faut de distance. Marina Cox n’est pas une photographe de l’actualité.
Si l’ailleurs l’inspire et la motive, elle photographie les mêmes choses et de la même manière selon qu’elle se trouve aux confins de l’Europe, dans le sud des États-Unis ou à côté de chez elle ; plus attachée à constater – pour mieux le montrer, évidemment – que les préoccupations et les comportements sont universels, elle ne traque pas les différences et reste insensible à l’idée de couleur locale. Marina Cox n’est pas une photographe de l’exotisme.
Tout en étant parfois physiquement absent de l’image, l’humain reste au centre de ce travail. Dès lors, quand elle se consacre au paysage, la photographe privilégie systématiquement un paysage façonné, altéré par l’homme. La nature n’y est jamais totalement paisible, il y a généralement comme une tension, un drame qui couve, prêt à briser l’apparente harmonie. Marina Cox n’est pas une photographe de la contemplation.
Ce qui importe ici, ce sont donc des lieux – habités dans tous les sens du terme. Certains choisis pour ce qu’ils symbolisent, pour l’histoire qui s’y est écrite, d’autres rencontrés par hasard, au gré des reportages, des promenades ou des voyages. Ces lieux et ceux qui les occupent, la photographe se les est appropriés, elle les a intégrés à sa propre histoire et les a marqués du sceau de son écriture avec ce sens de la composition et de l’organisation
de l’espace qui constituent sa signature visuelle.
En fin de compte, ce qui unit une serveuse de l’Old Southern Tearoom et un jeune homme rêvassant dans un musée bruxellois, un ponton au bord d’un bayou de Louisiane et deux bouleaux devant un vestige du mur de Berlin, une petite tsigane et les admirateurs de Guernica, les eaux troubles de la Spree et les flammes qui s’élèvent d’un champ de canne à sucre, un cheval égaré dans les rues de Timisoara et une fillette jouant sur une place madrilène, l’improbable liant de tous ces lieux et de tous ces personnages, c’est le regard qu’une photographe a porté sur eux. Marina Cox est photographe.